L’utilisation massive des énergies fossiles provoque le rejet de quantités énormes de CO² créant un réchauffement artificiel et forcé de l’atmosphère. « L’utilisation des énergies fossiles, hautement polluantes – charbon, pétrole, gaz – doit être remplacée sans délai. » dit le Pape François dans la lettre encyclique sur la sauvegarde de la maison commune. Nos hommes politiques et les industries s’engagent dans une transition énergétique. La société civile est en route pour appuyer ces actions, voire les devancer, car des solutions à l’échelle locale existent afin d’utiliser les énergies renouvelables.
Si je peux me permettre un petit rappel historique, les énergies ont toujours été exploitées localement. Les moyens de transports ne permettaient pas d’utiliser à grande échelle les énergies fossiles avant l’ère industrielle, avant que ne soit inventé le chemin de fer puis l’automobile, moyens qui se moderniseront avec l’aviation et la marine marchande. En France, l’électricité était l’œuvre de petites entreprises de production souvent hydrauliques et de syndicats locaux de distribution avant que tout ne soit nationalisé en une seule entreprise puis privatisé entre des mains de grands groupes financiers ou industriels. Nous sommes dans un système d’exploitation des énergies fossiles à grande échelle. A titre d’exemple, le seul groupe Total, 4e compagnie pétrolière et gazière internationale, représente la 1re capitalisation boursière de Paris : 101,4 milliards d’euros (source groupe Total).
L’exploitation, le transport et l’utilisation des énergies fossiles sont donc faites à une échelle industrielle. Les pays pauvres ne peuvent pas avoir accès dans les mêmes conditions que nous à ces énergies fossiles, créant un fossé entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement. Cette exploitation des énergies fossiles se fait même au détriment de certains pays. On a ainsi souvent accusé « les colons » de piller les ressources des pays où leurs industries, leurs sociétés minières sont venues s’implanter. Ainsi un déséquilibre s’est installé et perdure encore actuellement. De plus si ces pays en voie de développement s’industrialisaient avec la même frénésie que nous avons pu voir en Chine, l’explosion de la production de gaz à effet de serre serait telle que toute marche arrière serait impossible.
Éthiquement parlant, nous ne pouvons pourtant pas freiner leur développement. L’accès à des énergies renouvelables est la seule voie pour ses pays en étant aidé par les pays riches qui ont exploité sans en mesurer les conséquences, les énergies fossiles. En même temps, pour la société civile et la politique des pays industrialisés tel que la France, il est important de réduire notre dépendance à des ressources provenant d’autres pays (y compris l’uranium) et de miser tout sur les énergies renouvelables. La transition énergétique qui, sous pression des lobbys industriels ou financiers a parfois été retardée, doit se mettre en place sans tarder comme le Pape François le souligne dans son encyclique.
Toutefois concernant les énergies renouvelables, le défi est qu’elles soient rendues accessibles à tous et non détenues par les seuls grands groupes qui gèrent actuellement les énergies fossiles. Ces mêmes grands groupes ont d’ailleurs freiné par le passé la recherche sur les énergies renouvelables, rachetant même certains brevets. La crise climatique les obligent à changer de stratégies mais pourtant sans remettre en cause leur manière de s’enrichir, tout juste un peu de « greenwashing » dans leur communication. Ainsi, en France, l’énergie nucléaire est présentée comme une solution au réchauffement climatique par EDF. Sponsor de la COP 21, EDF, comme d’autres profitent de la COP 21 afin de se montrer plus « vert » ! Le géant de l’électricité française se targue d’agir pour « un monde bas carbone ». EDF assure s’appuyer sur « des faits » : il produit « une électricité peu chère et décarbonée », à 98% « sans CO2 en France grâce à l’énergie nucléaire. Un kilowattheure d’origine nucléaire émettrait 66 grammes de CO². De plus le groupe EDF à l’étranger exploite encore des centrales à charbon. Ses assertions valent à EDF deux plaintes auprès du jury de déontologie publicitaire. Dans une infographie, le Réseau Sortir du nucléaire explique à juste titre que « le nucléaire ne sauvera pas le climat ».
Il est impossible de construire suffisamment de centrales nucléaires dans un laps de temps court (50 ans) alors qu’il faut 10 ans pour édifier une seule centrale. Les vagues de chaleur liées au réchauffement climatique posent la question de leur refroidissement en été ; ceci oblige à les faire tourner à puissance réduite. L’utilisation permanente et massive de l’eau pour refroidir induit des risques quand les ressources en eau déjà sous tension, seront encore plus impactées par le réchauffement climatique. L’explosion budgétaire de l’énergie nucléaire, les catastrophes au coût pharaonique, le problème des déchets [1] incitent les investisseurs à délaisser le nucléaire pour investir dans les énergies renouvelables. Si les mêmes sommes affectées, depuis de nombreuses années, à la recherche nucléaire auraient été investies dans la recherche sur les énergies renouvelables, nous pourrions nous poser la question de savoir où en serait leur développement aujourd’hui. Il est indéniable qu’à l’échelle planétaire un retard a été pris alors que grâce aux énergies renouvelables, et aux économies d’énergie, nous pourrions devenir producteurs au lieu d’être de simples consommateurs.
Au Nord de l’Ecosse, dans l’archipel des Orcades, 20 000 habitants sont plus qu’autosuffisants grâce aux énergies renouvelables. Sur l’archipel est produit annuellement 50 mégawatts alors que les habitants n’en consomment que 30 mégawatts. Les expériences démontrées localement sur cet archipel sont la preuve que les énergies renouvelables sont la seule solution au réchauffement climatique mais aussi à une « juste » répartition entre pays pauvres et riches.
Les « forces » de la nature mises à notre disposition par le Créateur sont intarissables car constamment Il pourvoie à tous nos besoins (Esaïe 58 v 11) Que ce soient les forces telluriques (volcan, source chaude, géothermie), les vents, les courants marins, les forces hydrauliques (fleuve, rivière...), l’énergie solaire, la biomasse produite par les plantes et les arbres, elles sont et restent à notre disposition gratuitement et en permanence. Leur disponibilité sur toute la surface de la terre fait qu’elle est accessible librement à tous, encore faut-il que les solutions techniques pour l’exploiter demeurent elles aussi libres et accessibles à tous les humains, jusqu’au plus pauvre qu’il soit au pôle nord, au fin fond de la brousse ou sur une île...
A ces énergies, il faut rajouter aussi la traction animale qui a été complètement délaissée au moment de l’apparition du moteur à explosion et des premiers véhicules. Les excréments de nos élevages peuvent aussi être utilisés comme matière combustible en les séchant ou en récupérant le méthane lié à leur fermentation. Les fermes des hauts plateaux du Massif Central étaient organisées pour récupérer la chaleur de l’étable. Les murs épais en pierre agissaient comme un bouclier contre les vents et le froid et emmagasinaient la chaleur de la maison pour la restituer. Aucune fenêtre ou ouvrants n’était disposé sur la façade exposée au nord.
Le foin et la paille faisaient une immense isolation dans la grange entre le toit et l’habitation. Avec ce simple exemple, nous pouvons comprendre qu’il nous faut revenir à une gestion plus élémentaire et saine de nos ressources. Hier l’industrialisation de l’agriculture, l’industrialisation de nos moyens de production nous ont écartés de ces solutions simples et locales. Aujourd’hui nous sommes obligés repenser celles-ci : isolation de nos habitations, système adapté de production d’énergie, agroécologie, dimensionnement adapté des moyens de production, ateliers à taille humaine, développement de l’économie locale, etc., afin de limiter nos dépenses en énergies et d’utiliser l’énergie au mieux.
Alors que l’industrialisation implique des échanges planétaires – mais aussi, hélas, une richesse en fait spéculative entre les mains de quelques-uns - la réduction de l’utilisation des énergies fossiles et leur remplacement nous obligent à réfléchir sur un autre mode de répartition des richesses. En d’autres termes d’arrêter d’exploiter la terre (et les hommes) pour réapprendre à la cultiver comme Dieu nous l’a ordonné (Genèse 1 v 28) Prendre soin de la planète qu’Il nous a confiée comme aussi des hommes qui l’habitent. La COP 21 prendra-t-elle conscience de cet enjeu ?
L’archipel des Orcades est à plusieurs titres un vrai laboratoire à ciel ouvert afin d’étudier et produire des énergies propres. Un exemple dont nous ferions bien de nous inspirer. Alors que les énergies fossiles ne sont pas inépuisables, les énergies renouvelables sont infinies, et des solutions techniques sont envisageables, connues ou découvertes pour utiliser ces énergies dès maintenant. Des expériences, des projets parfois fruits de mécènes, existent déjà afin de produire l’énergie de demain accessible à tous. Tel cet homme ayant fait fortune avec une boisson énergisante, pensant qu’il a plus d’argent que besoin, dépense sa fortune dans les études et recherches pour résoudre les plus grands problèmes du monde dont celui de l’énergie. Manoj Bhargava a construit un vélo stationnaire pour alimenter des millions de foyers à travers le monde qui ont peu ou pas d’électricité. En début d’année prochaine en Inde, il prévoit de distribuer gratuitement 10 000 de ses vélos équipés de batteries électriques. Une heure de pédalage suffisent à emmagasiner suffisamment d’électricité correspondant à l’utilisation journalière des lumières et des appareils électriques de base d’une maison.
« Ride this bike for an hour, get electricity for a day » via @KimKomando #BillionsinChange https://t.co/cX8EKP2f2c pic.twitter.com/N6DHMWsp5Y
— Billions in Change (@billionsnchange) 17 Novembre 2015
D’autres scientifiques et techniciens, comme aux Orcades, travaillent sur la récupération électrique de nos mouvements, sur la moindre économie d’énergie, comme sur la possibilité de faire de nos routes, pistes cyclables et trottoirs des champs de récupération de l’énergie solaire. La première piste cyclable solaire au monde a déjà été expérimentée aux Pays-Bas, au nord d’Amsterdam. Elle a été construite en 2014 sur une longueur de 70 m. L’énergie solaire fait aussi partie du grand virage énergétique que prend la Chine. La pollution conséquence de l’utilisation grandissante d’énergies fossiles liée à l’industrialisation massive de son économie entraîne quantité de problèmes de santé. Face à ce scandale qui tue 4000 chinois par jour le gouvernement chinois a été obligé d’améliorer la qualité et le rendement des panneaux solaires, d’augmenter l’implantation de nouvelles centrales photovoltaïques, de s’engager dans les énergies renouvelables. En 10 ans la Chine est devenu le 1er investisseur mondial dans les énergies renouvelables.
Le corollaire au développement des énergies renouvelables est de rechercher toutes les économies possibles et réalisables. Bien sûr cela passe par l’isolation des maisons, leur réelle adaptation au milieu où elles sont construites, la construction neuve avec des normes de basses consommation ou encore mieux à énergie positive. Les murs ou les toitures végétalisés procurent aussi un gain positif en isolation et tempèrent les pièces l’été limitant l’emploi de climatisation. La végétalisation en ville outre la dépollution procurée par les plantes en absorbant le CO² et certains autres polluants, a aussi un effet régulateur sur le microclimat. Les usines, les bâtiments doivent être aussi conçus pour limiter la consommation d’énergie en privilégiant l’éclairage naturel, en isolant, en utilisant des matériaux à faible empreinte carbonée... La production doit être repensée afin de limiter les transports, les déplacements à l’intérieur comme à l’extérieur d’une usine ou d’un atelier... Toutes les économies sont utiles y compris la limitation de nos déchets ou leur réutilisation. Tendre vers le zéro déchet, économise de l’énergie sur le long terme (moins d’emballage, moins de transport, pas de gaspillage, réutilisation, partage, etc.) et fait du bien à notre portefeuille.
L’avantage des énergies renouvelables est qu’elles sont disponibles gratuitement et partout sur le globe. Par souci d’équité, l’accès généralisé et diffus à celles-ci, dans les pays en voie de développement, ainsi que le partage des techniques permettant leur mise en œuvre doivent être garantie. Il ne faudrait pas qu’après avoir « pillé » leurs énergies fossiles, les pays industrialisés mettent un ticket d’entrée insupportable pour l’accès aux énergies renouvelables par les pays pauvres. L’accord de la COP 21 devra prendre en compte cette dimension afin de sauvegarder la maison commune. L’ingéniosité de la société civile, d’ONG, de quelques chercheurs recherchant les systèmes adaptés à ces pays, laisse penser que ce défi peut être surmonté.
Nathanaël Bechdolff
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